Né d’une envie de rupture et d’un retour à l’essence même de la culture rave, BYG & BAD s’impose comme un collectif qui revendique la passion, la diversité et l’accessibilité. Porté par une amitié de plus de dix ans et une vision commune, le duo souhaite recréer des nuits où la musique, le talent et le public reprennent leurs droits. À quelques jours de leur premier événement, Mikey et Chaper racontent les origines, les valeurs et les ambitions d’un projet construit comme une famille et pensé pour durer.
INTERVIEW
1. L’élément déclencheur de la création du collectif ?
L’élément déclencheur, c’était de me couper entièrement de ce que je faisais avant en termes de musique. J’ai voulu repartir de 0 et, avec mon meilleur pote depuis plus de 10 ans, on s’est dit que c’était le moment pour nous de donner naissance à un projet qui nous ressemble et qui rassemble !
Quoi de mieux qu’un collectif pour se connecter avec d’autres artistes et faire découvrir notre philosophie : frapper plus fort et aller toujours plus loin.
Cela fait presque 10 ans que je vais en rave et je rêvais tout simplement de faire vivre la scène et faire danser les gens, c’était la suite logique pour nous !
2. Comment définir votre collectif ?
Notre collectif, c’est passion, famille et persévérance.
3. Comment se répartit votre dynamique en tant que DJs et productrices ?
Cela fait quelques années maintenant que je chante et rappe, et j’ai commencé la production il y a peu. Chaper, elle, est une professionnelle de la musique : elle m’apporte énormément de connaissances et de critiques constructives !
On se complète bien dans le travail car elle apporte ses connaissances puis j’ajoute ma créativité.
Je prête ma voix également, ce qui crée des morceaux mélangeant rap et techno.
En termes de productions, je vais apporter le côté sombre et pesant des kicks/bass, elle et Hkan s’occupent des arrangements, de la réal et du mix.
C’est un travail de groupe où nous nécessitons chacun l’un de l’autre et cela nous permet de ne jamais manquer d’idées et de ressources.
4. Quelle place accordez-vous à la diversité ?
Ce que je remarque, c’est que le modèle capitaliste s’est totalement approprié la culture : toujours les mêmes DJs, les mêmes clubs avec les mêmes visions et sécu, et des prix totalement dérisoires !
Nous n’avons pas pour prétention de changer la scène, mais nous aimerions apporter de la diversité : plus de DJs femmes, noir·e·s et/ou queer, par exemple !
Pareil pour les line-up : nous vous proposons des artistes venu·e·s de partout en France avec plus ou moins de visibilité.
Le but pour nous est de remettre le TALENT et le PUBLIC au centre de la scène !
5. Comment faire perdurer la culture techno et ses pionniers ?
La techno explose et c’est très bien mais la culture n’avance pas avec : Beaucoup de ravers aujourd’hui ne connaissent pas l’histoire de la techno, pas le nom des pionniers, ni les règles tacites dans les soirées.
Je ne dis pas que tout le monde doit être historien du genre, mais en somme respecter ce qui s’est fait avant. Dans les sets, ça passe par jouer des morceaux d’il y a 20/30 ans et non que les mêmes remixes qui marchent en ce moment.
Arrêter de filmer toutes les 5 minutes et ne pas prendre des DJs influenceurs.
Ce que nous souhaitons pour faire perdurer la culture, c’est revenir à la base : des soirées dans des lieux inattendus, se laisser surprendre par la line-up et profiter ensemble sans avoir besoin de le montrer aux autres !
Fort heureusement, même si la techno explose, il y aura toujours cette petite niche underground, et ceux qui souhaitent nous rejoindre sont les bienvenus !
6. Quels critères pour intégrer un jeune talent dans votre programmation ?
Un jeune talent doit pouvoir jouer en s’amusant et respecter nos valeurs de passion et de détermination, c’est plutôt simple !
7. Pourquoi proposer des soirées à petits prix ?
Comme je l’ai dit plus tôt, en presque 10 ans de soirées, je n’ai jamais vu des prix aussi chers, que ce soit les boissons, tickets, moyens de transport… Aujourd’hui sortir, c’est tout un budget, et on est dans la France de Macron… On est obligé de sortir pour se vider la tête donc on veut éviter de vous vider le portefeuille 🙂
8. Comment concilier accessibilité et qualité artistique/technique ?
Pour allier accessibilité et qualité artistique, tout repose sur une détermination collective d’artistes et de techniciens qui sont des amis aujourd’hui !
Ce sont des gens qui ont cru en notre projet et nous aident bénévolement. Chaque membre cherche des solutions, des contacts et du matériel.
Aujourd’hui les grosses productions (laser show, mapping immense) prennent le dessus, et ce qui semble incroyable visuellement comble parfois un manquement de la part de l’organisation. Par exemple, la Dream Nation cette année :
Un ensemble de stands, merch, coins cosy ont été mis en place mais nous avons remarqué qu’il y avait beaucoup moins de caissons que les années précédentes… Ce qui laisse à penser qu’on ne fait plus venir les ravers pour une expérience sonore mais plus comme un moyen de rentabiliser les habitués.
Donc avoir beaucoup de moyens ne signifie pas nécessairement un événement qualitatif.
Évidemment, j’aime toujours ce festival que je fais depuis 8 ans aujourd’hui, mais cela m’a donné envie de revenir aux bases : faire la fête dans un endroit inconnu et être concentrée exclusivement sur la musique.
Pour allier accessibilité et qualité, il faut une bonne équipe, de la détermination et des objectifs clairs et précis.
Il faut aussi savoir se limiter dans ses choix et accommoder les artistes et techniciens.
9. Où souhaitez-vous emmener BYG & BAD dans un an ? Et dans 5 ans ?
Notre objectif dans un an est de performer dans la warehouse 17 rue de l’Industrie.
J’ai pu y passer des moments incroyables, c’est un lieu qui compte beaucoup pour nous.
D’ici 5 ans nous aimerions avoir un label et exporter notre concept à l’étranger tout en restant attractifs financièrement, et bien sûr toujours mettre en avant la scène émergente avant tout.
10. Avez-vous rencontré des obstacles en tant que jeunes femmes dans un milieu encore très masculin ?
Pour l’instant non, je dois dire que je suis très bien entourée. Néanmoins, j’ai toujours vu cette vague de haine et de harcèlement sur les femmes DJs.
Que ce soit dans les commentaires ou en soirée, il est clair que certains hommes partent du principe que nous mixons pour être vues et non pour nos qualités techniques, de curation ou de playlist.
Être DJ, c’est être conductrice de l’ambiance, la guide. Pour certains, il est encore incompréhensible que nous puissions nous exprimer artistiquement pour nous libérer et prendre confiance en nous.
Fort heureusement, nous tenons tête depuis toujours et je suis heureuse de voir de plus en plus de femmes le faire !
11. Comment vivez-vous l’organisation de ce premier événement ?
C’est un mélange d’excitation et de calme, c’est plutôt étrange. J’ai une telle confiance en ceux qui m’accompagnent que je sais que ça va bien se passer, mais il y a toujours de l’imprévu.
J’ai beau me refaire tous les scénarios en tête, j’ai hâte.
J’en ai également beaucoup appris et j’ai hâte de pouvoir en apprendre lors de l’événement.
12. Un mot pour celles et ceux qui viendront à la première rave le 22 novembre ?
Venez comme vous êtes, repartez encore plus spécial.
13. Quel est le plus grand défi quand on lance un collectif aujourd’hui ?
Le plus grand défi pour un collectif aujourd’hui, c’est se faire entendre… Ça paraît bête à l’heure des réseaux sociaux et du rage bait constant, mais cela demande des contacts et des followers pour remplir les clubs, donc c’est difficile de convaincre quand on a peu d’événements à son actif.
C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à revenir à des concepts simples mais inattendus. Nous décidons de ne pas dévoiler la line-up sur les flyers papier que nous avons distribués en masse.
C’était le désir de forcer la curiosité, faire trop de bruit n’est pas une option pour nous alors notre plus grand défi, c’est de marquer les esprits sur le moment.

