Découvrez Halim El-Dabh, pionnier égyptien de la musique électronique, qui créa dès 1944 la première œuvre de musique sur bande.
Lorsque l’on évoque les origines de la musique électronique, des noms comme Pierre Schaeffer, John Cage ou encore les pionniers de la techno de Detroit viennent souvent à l’esprit. Pourtant, un compositeur égyptien, Halim El-Dabh, a marqué ce genre bien avant eux, dans une relative discrétion. Dès 1944, à une époque où la musique concrète n’était même pas encore conceptualisée, El-Dabh manipulait déjà des sons enregistrés, créant ce que l’on considère aujourd’hui comme la première pièce de musique électronique sur bande.
Le contexte égyptien et la naissance de “The Expression of Zaar”
Né en 1921 à Le Caire, Halim El-Dabh était étudiant en agriculture lorsqu’il s’intéressa aux sonorités traditionnelles égyptiennes. Il emprunta un enregistreur à fil aux bureaux de Middle East Radio et enregistra un rituel de transe appelé Zar, une cérémonie de guérison aux percussions puissantes et aux chants incantatoires. Intrigué par le potentiel de ces sons bruts, il entreprit de les manipuler pour en extraire leur “son intérieur”.
Dans une interview de 2013, El-Dabh expliqua : « Je me suis amusé avec l’équipement de la station, utilisant la réverbération, les chambres d’écho, les contrôles de tension et une salle d’enregistrement aux murs mobiles pour créer différents types de réverbération. »
À force d’expérimentations, il transforma ces enregistrements en une œuvre de 20 à 25 minutes intitulée « The Expression of Zaar », qu’il présenta lors d’une exposition au Caire en 1944. Cette performance précéda de quatre ans les premières explorations de Pierre Schaeffer en France.
Un héritage souvent effacé
Si Halim El-Dabh a poursuivi une carrière prolifique aux États-Unis, collaborant avec des chorégraphes comme Martha Graham et explorant le potentiel des premiers synthétiseurs Moog, son travail est resté largement méconnu en dehors des cercles spécialisés. Cette absence de reconnaissance soulève des questions sur la domination occidentale dans les récits historiques et l’effacement des contributions non-européennes.
Reconnaître El-Dabh, c’est rendre justice à une figure qui a élargi les possibilités sonores et ouvert des portes pour des générations de musiciens électroniques. Son parcours illustre comment l’innovation musicale ne s’est pas limitée à l’Europe ou aux États-Unis, mais a émergé simultanément dans différentes régions du monde.
Pour découvrir plus en profondeur la pensée et le parcours de Halim El-Dabh, lisez cette interview réalisée en 2013 : Interview avec Halim El-Dabh.
🇬🇧 Halim El-Dabh: An Egyptian Pioneer at the Origins of Electronic Music
When discussing the origins of electronic music, names like Pierre Schaeffer, John Cage, or the techno pioneers of Detroit are often mentioned. Yet, a lesser-known Egyptian composer, Halim El-Dabh, was already innovating in this field as early as 1944. At a time when musique concrète was yet to be theorized, El-Dabh was manipulating recorded sounds, creating what is now considered the earliest piece of electronic tape music.
The Egyptian Context and the Birth of “The Expression of Zaar”
Born in 1921 in Cairo, Halim El-Dabh was a student of agriculture when he became fascinated by traditional Egyptian sounds. Borrowing a wire recorder from the offices of Middle East Radio, he recorded a Zaar ritual, a healing ceremony characterized by intense percussion and chanting. Fascinated by the raw potential of these sounds, he began experimenting to extract their “inner essence.”
In a 2013 interview, El-Dabh explained: “I just started playing around with the equipment at the station, using reverberation, echo chambers, voltage controls, and a re-recording room with movable walls to create different kinds of reverb.”
Through these manipulations, he created a 20 to 25-minute piece titled “The Expression of Zaar”, which he presented at a Cairo art gallery in 1944 — predating Pierre Schaeffer’s experiments by four years.
A Legacy Often Erased
Though Halim El-Dabh later had a prolific career in the United States, collaborating with choreographers like Martha Graham and exploring the potential of early Moog synthesizers, his work remained largely overlooked outside specialist circles. This lack of recognition raises questions about the Western dominance in historical narratives and the erasure of non-European contributions.
Acknowledging El-Dabh is a step toward recognizing a figure who expanded sonic possibilities and opened doors for generations of electronic musicians. His journey reminds us that musical innovation was never confined to Europe or the United States but blossomed across the world simultaneously.
To dive deeper into Halim El-Dabh’s thoughts and journey, read this 2013 interview: Interview with Halim El-Dabh.