Interview avec Manami Sakamoto, jury de notre Rave Photographies of the year
1. Votre travail englobe le VJing, les installations, les performances live et l’animation 3DCG, tous visant à explorer l’expression spatiale à travers les visuels. Pouvez-vous expliquer comment vous abordez ce concept dans vos projets ?
J’ai été active en tant que VJ sur les dancefloors. Ayant vécu de nombreuses nuits merveilleuses, je pense que l’important est de créer une narration en harmonisant tous les éléments de l’espace, comme la musique, l’éclairage et le public, tout en gardant les visuels au cœur du projet.
L’essentiel est de capturer chaque instant et de créer un impact. Parfois, je guide avec les visuels, et d’autres fois, je laisse l’éclairage prendre le dessus, en fonction de la musique et de l’énergie du public.
Je pense que cela s’applique aussi aux installations et aux performances live. Je suis toujours consciente de la manière dont je peux créer une histoire et un axe temporel pour chaque œuvre.
2. Vous avez collaboré avec divers artistes, comme Yuri Urano sur le projet « Metaract », qui explore l’interaction entre les mondes analogique et numérique. Comment ces collaborations influencent-elles votre processus créatif et les récits que vous souhaitez transmettre ?
Comme je l’ai mentionné dans la question précédente, les histoires sont très importantes pour moi, et la musique est un élément clé dans la création de ces histoires.
Par exemple, l’ajout de « voix » permet une expression émotionnelle, tandis que la « musique électronique » permet d’exprimer de l’énergie.
Je pense qu’en collaborant avec des musiciens, nous pouvons étendre la musique et les images ensemble. C’est quelque chose qui donne plus de sens et une vision du monde à mes créations, et c’est essentiel pour moi.
3. Votre portfolio inclut des performances lors de festivals renommés comme Awakenings à Amsterdam, Zouk Out à Singapour et Fuji Rock Festival au Japon. Comment ces expériences culturelles variées ont-elles influencé votre vision et votre exécution artistique ?
Mes expériences lors de ces festivals ont grandement élargi ma vision et mes compétences en tant qu’artiste visuelle. L’échelle impressionnante d’Awakenings, la production sophistiquée de Zouk Out et l’espace en harmonie avec la nature du Fuji Rock Festival m’ont permis d’expérimenter différentes sensibilités culturelles et d’explorer comment la vidéo peut fusionner avec la musique et l’espace pour émouvoir le public.
Je suis particulièrement intéressée par la relation entre la technologie, la nature et les sens humains. Créer dans des environnements divers est une opportunité précieuse pour expérimenter et étendre les possibilités de l’expression visuelle. En utilisant pleinement les grands murs LED et le mapping de projection, j’ai également appris l’importance d’exprimer des émotions délicates à travers un éclairage minimaliste.
De plus, en répondant aux contraintes techniques et aux exigences de production de chaque festival, j’ai pu affiner ma créativité et mon adaptabilité. Le processus de création de visuels optimaux dans un délai limité, en collaboration avec des artistes et des équipes techniques, va au-delà de la simple production vidéo et s’apparente à la conception d’un espace et à la création d’une expérience éphémère. J’espère utiliser cette expérience pour créer des œuvres encore plus immersives.
À propos de la photographie en milieu festif
4. Selon vous, quels sont les éléments essentiels que les photographes doivent capturer pour retranscrire authentiquement l’atmosphère d’un club ou d’une performance live ?
Pour moi, une bonne photographie est celle qui capture la chaleur du moment.
Il existe de nombreuses façons d’exprimer une photo, et chacune a ses propres mérites, mais pour moi, « la composition et l’esthétique parfaite » ne sont pas les plus importantes. Par exemple, même si une photo est floue, si elle transmet l’atmosphère, alors c’est une bonne photo.
L’important est de capturer et d’exprimer cet instant. En faisant cela, je pense qu’on peut retranscrire l’univers que le club, l’organisateur ou l’artiste veut exprimer et en refléter l’essence.
5. Comment voyez-vous la relation entre les performances visuelles live (comme le VJing) et la photographie en club ? Comment peuvent-elles se compléter pour enrichir l’expérience du public ?
Par exemple, je ne pense pas qu’il soit nécessaire que les écrans et les LED soient parfaitement cadrés dans une photo. Pour améliorer l’expérience, on pourrait inclure un visuel comme un élément parmi d’autres, ou si l’on veut capturer un moment où le visuel est au premier plan, on pourrait zoomer sur la vidéo sans montrer le public ou les musiciens.
Je pense qu’en capturant l’histoire que le photographe a ressentie à cet instant, la qualité visuelle s’en trouve enrichie.
6. Que pensez-vous des politiques « no photo/no video » qui se généralisent de plus en plus ?
Personnellement, je suis favorable à cette politique qui interdit au public de prendre des photos. Le problème est que les gens sont tellement concentrés sur leurs appareils qu’ils oublient de profiter de la musique et de la fête. C’est vraiment dommage.
Cependant, je trouve qu’il est positif que des photographes professionnels puissent immortaliser ces instants.
7. Étant donné le caractère éphémère des performances live et des événements en club, quelle est selon vous la signification de la photographie dans la préservation de ces moments fugaces ?
L’attrait des performances live et des événements en club réside dans leur nature éphémère. Cependant, la photographie joue un rôle essentiel en capturant ces fragments et en prolongeant l’expérience dans le temps.
En tant qu’artiste visuelle, je privilégie l’immersion et le mouvement émotionnel, mais peu importe leur intensité, ils finissent par s’effacer avec le temps. C’est pourquoi les photographies ont une importance qui dépasse le simple enregistrement. Elles fonctionnent comme des « mémoires visuelles » qui condensent la lumière, les ombres, les réactions du public et l’atmosphère de l’espace, restituant ainsi l’instant sous une forme différente.