HOT TAKE : La fête est à tout le monde. Mais organiser une fête, ce n’est pas un jeu.

Il n’a jamais été aussi simple d’organiser une soirée.
Quelques potes, un local, une billetterie en ligne, un lineup trouvé en DM, deux spots LED achetés sur Vinted et soudain, on parle de “collectif”, de “projet”, de “vision”. Et sincèrement, il y a quelque chose de très beau dans cette impulsion. La fête redevient un bricolage populaire, un acte de réappropriation, loin des clubs hors de prix et des programmations verrouillées. Un retour à la spontanéité, à la débrouille, à l’envie de créer des espaces que personne ne crée pour nous.

Mais, parce qu’il y a un mais, qu’on préfère tous éviter parce qu’il casse le mood.
Organiser une soirée, c’est prendre des vies sous sa responsabilité.
Et une grande partie de la scène fait comme si ce n’était pas le cas.

La nuit n’est pas seulement un décor.
C’est un endroit où circulent produits, émotions instables, fatigue, corps vulnérables, désirs, violences parfois. Un endroit où un malaise peut devenir critique en deux minutes, où une agression peut se produire dans un recoin sombre, où une overdose peut se dissimuler sous une apparence de fatigue. Quand tu invites des gens dans un lieu que tu contrôles, tu deviens responsable de ce qui peut leur arriver, voulu ou non.

Le problème n’est pas la fête en elle-même.
Le problème, c’est l’absence de compétences.

Beaucoup d’organisateurs débutent sans aucune formation en RDR, sans plan d’urgence, sans protocole en cas d’agression, sans connaissance des interactions entre substances, sans capacité à identifier une détresse physique ou psychologique. Et encore une fois, ce n’est pas un reproche moral.
C’est un constat tragiquement courant.

La fête DIY n’a jamais été censée être un terrain où l’on improvise la sécurité.

Et pourtant, c’est ce qu’on voit. Des collectifs qui ne savent pas comment réagir quand une personne s’effondre. Des staffs incapables de gérer un agresseur dans le public. Des physios racistes. Des soirées où personne ne sait où sont les sorties de secours, où personne ne surveille la jauge, où personne ne vérifie si les bénévoles ne sont pas eux-mêmes en train de consommer. La liberté sans responsabilité devient un risque collectif.

Cette situation est exacerbée par une ambiance générale qui valorise la fête avant tout.
On veut kiffer, on veut danser, on veut que ce soit fluide.
Mais la nuit n’a jamais été fluide. La nuit est compliquée, intense, dangereuse parfois. Elle demande de la préparation, pas juste de l’intuition.

On fait le choix de ne pas vraiment inclure les freeparties, un milieu qu’on ne connait plus trop en 2025 et qui doit évoluer en marge de notre scène.

Ce qui complique tout, c’est l’idée romantique selon laquelle “la fête appartient au peuple, donc la fête doit rester libre”.
C’est vrai. Mais la liberté n’a jamais voulu dire l’absence totale de responsabilité.

Ce qu’on ne peut pas défendre, c’est l’inconscience.

Nous sommes dans un milieu où les produits circulent plus vite et plus fort, où les jeunes publics arrivent plus tôt et plus vulnérables, où l’extrême droite s’infiltre dans les dancefloors, où la violence genrée ne diminue pas, ne pas être formé devient dangereux. Pas seulement pour les autres, mais pour soi-même.

Il existe pourtant des modèles. Des collectifs qui se forment en RDR, qui travaillent avec des assos, qui préparent des protocoles, qui assignent des rôles clairs. Des soirées qui affichent leurs règles d’entrée. Des équipes qui apprennent à intervenir. Des lieux qui refusent de laisser un bénévole gérer une situation qui demande un pro.

Ce n’est pas rendre la fête bureaucratique. C’est la rendre durable et…safer.

Car si nous ne prenons pas soin de nos espaces, d’autres le feront à notre place.
La police.
Les mairies.
Les assurances.
Les multinationales.
Les groupes qui rachètent déjà les clubs et les festivals.

La fête libre disparaît quand la fête mal gérée met les gens en danger.

Il faut donc arrêter d’opposer responsabilité et liberté. La responsabilité est le prix qui permet à la liberté de continuer d’exister.

La solution n’est pas d’empêcher qui que ce soit d’organiser des soirées.
La solution, c’est de rappeler quelques vérités simples : 
Quand on organise une soirée, on doit savoir comment protéger.
Quand on invite des gens, on doit savoir quoi faire quand tout bascule.
Quand on se dit “collectif”, on devient un acteur et un garant, parfois malgré soi.

La fête est à tout le monde, mais la sécurité, elle, n’est pas optionnelle.
Et si on veut que nos nuits restent à nous, il va falloir apprendre à en prendre soin.