Before The Rave #3 : Les Intonarumori : Quand Luigi Russolo a révolutionné la musique avec le bruit
En 1913, alors que la révolution industrielle transforme le monde, l’artiste et compositeur italien Luigi Russolo, membre du mouvement futuriste, publie un manifeste intitulé « L’Art des Bruits ». Il y proclame que la musique traditionnelle est dépassée et propose une nouvelle esthétique sonore, centrée sur les bruits mécaniques et urbains. Pour concrétiser sa vision, Russolo invente les Intonarumori, des machines sonores qui bouleversent les conventions musicales de l’époque.
Origines : Le manifeste de L’Art des Bruits
Dans son manifeste, Russolo écrit : « Nous avons aimé le bruit des grandes villes… le bruit nous enveloppe. » À ses yeux, les sons de la vie moderne – moteurs, sirènes, chaînes, usines – reflètent mieux l’énergie de l’époque que l’orchestre classique. Les futuristes, un mouvement artistique italien prônant la modernité et la vitesse, l’encouragent à explorer cette idée radicale.
Le manifeste identifie six types de bruits : grondements, sifflements, chuchotements, hurlements, frottements, et percussions. Ces catégories deviennent les bases des Intonarumori.
Les Intonarumori : Machines à créer le bruit
Les Intonarumori (littéralement “intonateurs de bruit”) sont des instruments mécaniques. Chaque machine est une boîte en bois équipée d’une manivelle, de cordes, de membranes et de leviers. En tournant la manivelle ou en manipulant les leviers, l’opérateur produit différents sons : grondements sourds, sifflements stridents ou crépitements métalliques.
Ces instruments ne sont pas destinés à reproduire des notes musicales mais à créer une palette sonore qui imite la modernité. Chaque Intonarumori a un rôle spécifique : par exemple, le Ronzatore génère des bourdonnements, tandis que le Crispator reproduit des sons secs et cassants.
Premières performances : Entre admiration et scandale
En 1914, Russolo et ses collègues futuristes organisent une série de concerts à Milan, où les Intonarumori sont présentés pour la première fois. Le public, habitué aux opéras et aux orchestres, est choqué par ces bruits mécaniques. Les réactions sont extrêmes : certains applaudissent cette révolution sonore, tandis que d’autres huent et quittent la salle.
Ces performances marquent l’histoire de la musique comme une rupture audacieuse avec les traditions classiques. Elles posent également les bases de l’avant-garde musicale, influençant des mouvements ultérieurs comme le dadaïsme et la musique électronique.
Un héritage qui résonne dans la musique moderne
Bien que la majorité des Intonarumori originaux aient été détruits pendant la Seconde Guerre mondiale, leur influence perdure. Des compositeurs comme John Cage, des groupes comme Kraftwerk, ou encore des genres comme l’industriel et la techno trouvent leurs racines dans cette exploration radicale du bruit.
En 2009, le compositeur italien Luciano Chessa a reconstruit plusieurs Intonarumori pour des performances contemporaines, permettant au public moderne de redécouvrir ces machines visionnaires.
Du bruit à la musique
Les Intonarumori de Luigi Russolo ont ouvert la voie à une redéfinition de la musique, en incluant des sons autrefois considérés comme “parasites”. Cette innovation radicale est un rappel que l’art ne cesse d’évoluer, s’adaptant aux technologies et aux réalités de chaque époque.