Opinion : L’importance de jouer : pourquoi les “petits gigs” façonnent les vrais DJs
Il y a quelque chose de profondément juste dans ce rappel de Theo Parrish qui re-circule depuis quelques semaines : “You gotta take shitty gigs. Eat it.”
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Une publication partagée par VinceB 🥷🏻🕶️ |Music-DJS-Psychology-Coach| (@djs_motivation)
Ce n’est pas une provocation. Ce n’est pas un mépris déguisé. C’est une vérité fondamentale du DJing, que beaucoup semblent avoir oubliée à l’heure où la scène glorifie la visibilité plus que l’expérience, la vitesse plus que l’apprentissage, la reconnaissance plus que la construction.
Car une idée dangereuse s’est installée dans les mentalités, l’idée que certains gigs seraient “trop petits”, “pas assez prestigieux”, “indignes” de tel ou tel artiste. Comme si le DJing était une carrière qui se méritait seulement lorsque la salle est pleine, lorsque les lumières sont parfaites, lorsque la scène ressemble à un décor. En réalité, selon nous, c’est exactement l’inverse.
On n’est jamais “trop bien” pour un gig
Affirmer qu’un gig est en dessous de soi, c’est affirmer, même sans l’admettre, que l’on vaut mieux que le public qui s’y trouve. C’est oublier qu’un dancefloor, même modeste, demande autant de respect qu’un mainstage devant des milliers de personnes. C’est oublier aussi que cette culture s’est construite sur des caves, des bars, des clubs confidentiels, des parkings, des afters incertains, et non sur des scènes monumentales.
Les artistes qui durent, qui traversent les décennies, qui marquent un langage musical, ne sont jamais ceux qui ont sélectionné leurs gigs par ego. Ce sont ceux qui ont accepté de jouer souvent, partout, devant peu de monde et dans des conditions imparfaites.
Les petits publics forment une esthétique, pas une carrière “mineure”
Il faut l’avoir vécu pour mesurer la vérité suivante : c’est souvent dans une salle à moitié vide que l’on apprend le plus. C’est formateur. Quand la réaction ne vient pas automatiquement. Quand il faut comprendre ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce que l’on aime vraiment jouer. Quand il faut tenir un dancefloor peu rempli.
Ces soirées-là, celles dont personne ne parle, celles que les managers/bookers nous font effacer de nos rushs, sont peut-être les plus précieuses.
Elles obligent à écouter, à tenter, à respirer avec les quelques personnes présentes. Elles permettent de tester des tracks, d’affirmer un goût, de développer une identité. Elles libèrent aussi de la pression du spectacle pour redonner toute sa place à la musique. Elles font peur mais devraient pourtant exorciser l’anxiété de chaque DJ, car jouer devant personne c’est être capable de jouer devant tout le monde.
Nombre d’artistes le disent, parfois, ce sont ces contextes minuscules qui déclenchent les trajectoires les plus durables.
Le warm-up, souvent méprisé, est une école essentielle
Il existe un art du warm-up, trop souvent ignoré. Jouer doucement, préparer la soirée, créer une progression, laisser de l’espace plutôt que tout remplir : c’est un exercice exigeant, qui demande une véritable intelligence musicale.
Mais pour beaucoup, débuter par un warm-up est perçu comme un déclassement. C’est une erreur. Le warm-up construit l’écoute, la patience et la cohérence, trois qualités que les réseaux sociaux ne valorisent jamais mais que le DJing nécessite absolument.
Les “mauvais gigs” sont des professeurs que les grandes scènes ne remplaceront jamais
On n’apprend pas à être un DJ solide en jouant uniquement sur du matériel impeccable, entouré d’ingés présents au moindre problème. On apprend en affrontant l’inattendu, comme une platine défaillante, un câble récalcitrant, un retour instable, un diamant qui saute ou un bouton SYNC qui ne fonctionne pas.
C’est aussi cela, le métier. Être capable de garder son calme, d’improviser, de continuer à jouer quand les conditions ne suivent pas. Un DJ qui n’a connu que le confort technique est un DJ fragile.
L’essence du DJing est dans la circulation de la musique, pas dans le statut
Jouer, c’est faire entendre ce que l’on découvre. C’est partager ce que l’on aimeet créer des moments, même minuscules, qui relient. Ce geste n’a rien à voir avec la taille du public, ni avec la notoriété du lieu. On ne devient pas DJ pour monter sur une scène. On devient DJ pour transmettre, partager des sons qui nous font vibrer.
Accepter les “shitty gigs”, c’est comprendre ce que signifie réellement être DJ
Cela veut dire reconnaître que chaque contexte peut t’apprendre, que l’importance d’un gig ne se mesure pas au prestige du lieu mais à ce qu’il construit en toi.
Quand les “gros gigs” arriveront, si c’est le chemin que tu prends, tu sauras pourquoi tu es là. Tu sauras jouer car tu auras traversé suffisamment de réalités pour être stable, confiant, ancré. Et cela se sentira, des deux côtés du booth.

