MusicToo à la PEW : entre prévention, sacrifices et omerta

Ce débrief sera un peu différent. Il nous manque des chiffres (ceux donnés par Domitille Raveau de Consentis) et certaines notions de sociologie (celles d’Alice Laurent-Camena). On attendra la vidéo officielle pour faire un vrai récap complet. Ici, on partage surtout notre avis sur la conférence.

Merci à Chloé, Candice et Capucine : pour les sujets, pour l’invitation et surtout pour nous avoir donné la parole sans filtre, avec bienveillance et questionnement.

Un climat lourd

J’étais (Laureline) dans un mood très négatif en arrivant. La veille encore, j’avais reçu des messages de menaces sous-entendues, ça dure depuis des mois. Et en voyant la montée des procédures-bâillons (initiées par des gens qui ont plus de moyens que leurs victimes), du harcèlement et des intimidations, je ne voyais pas comment être optimiste.

Je pensais que les autres intervenant·es allaient avoir un constat plus nuancé, plus positif. Ça n’a pas été le cas.

Le seul point positif

Il y a pourtant un endroit où les choses avancent : les associations de prévention. Elles font un travail immense et réussissent à faire passer des messages puissants, à transformer les mentalités, notamment sur le consentement. Mais elles sont fragilisées par les coupes budgétaires. Leur rôle est vital : il faut les soutenir financièrement et leur offrir de la visibilité.

Témoignages et sacrifices

Donatien Huet (Mediapart) est revenu sur son article concernant Arnaud Rebotini et l’agence WART. Il a expliqué que la majorité des affaires sur lesquelles il enquête ne verront peut-être jamais le jour. FYI, malgré la gravité des accusations, Rebotini avait été rebooké par un label parisien une semaine après la sortie de l’article. Seulement deux artistes femmes ont quitté l’agence. Un constat amer.

De mon côté, j’ai parlé de sacrifice.
S’investir contre les violences sexuelles et sexistes, c’est accepter le boycott, le ralentissement de carrière, et parfois des menaces et du harcèlement. Mais c’est aussi construire des filets de sécurité pour les victimes :

  • coaching juridique bénévole pour porter plainte,

  • accompagnement physique dans des commissariats compétents,

  • relais médiatique une fois la plainte déposée,

  • importance des pages d’appels à témoins anonymes,

  • et, comme l’a rappelé Domitille, la nécessité de clauses dans les contrats de booking pour « protéger » les organisateurs quand un artiste est publiquement accusé (les coûts d’annulation).

L’importance de la communauté

L’artiste Diane Wurtz a insisté sur le rôle d’une communauté forte et intransigeante. C’est ce qui lui a permis de continuer à créer dans le milieu queer. Mais elle reste pessimiste. Elle a aussi soulevé un point très intéressant : le décalage générationnel sur le consentement. Pour les boomers, le sujet n’existait pas. Pour ma génération, on nous disait encore : “si tu bois trop, c’est de ta faute.” Aujourd’hui, la génération Z grandit avec d’autres référentiels, mais le dialogue entre générations est loin d’être simple.

Je vous invite à aller voir les commentaires sous ce post suite au décès d’Erick Morillo. Il devait comparaitre pour viol, tout le monde était au courant. C’est ce qui m’a personnellement radicalisé sur la question du traitement des VSS dans le milieu des musiques électroniques. Le « génie » d’un homme surpasse la dignité des victimes. 

Conclusion amère

Au final, la prévention avance mais risque de s’effondrer faute de moyens.
Le reste : omerta, médias et promoteurs qui continuent à programmer des artistes accusés (en connaissance de cause), influenceurs complices au nom de l’argent ou de la présomption d’innocence, et des procédures-bâillons qui se multiplient.

Les personnes en contact avec les victimes sont épuisées. Et sans une justice juste, rien n’avancera. Mais il faudra continuer à se sacrifier, multiplier les plaintes et montrer les dysfonctionnements du système.